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مُساهمة  احمد حرشاني 29th أغسطس 2010, 13:18

PHILOSOPHIE ET SCIENCES DE L'EDUCATION
par Sylvie Solère-Queval
Maître de conférences à l'Université de Lille III


in Diotime.Revue internationale de Didactique de la philosophie.

Contribution au débat souvent problématique entre les deux disciplines (approche intempestive)
Le titre de cet article comporte deux mots " philosophie et sciences de l’éducation ", il est donc évident qu’on peut l’aborder de deux côtés et demander : soit si les sciences de l’éducation ont besoin de la philosophie, soit si la philosophie a besoin des sciences de l’éducation. C’est ce second mouvement que je privilégierai sans pour autant ignorer complètement l’autre.
Je fais l’hypothèse - peu risquée, m’adressant à des professeurs de philosophie - que l’idée que les sciences de l’éducation ont besoin de la philosophie tombe sous le sens. Nous sommes, je suppose, convaincus qu’aucun domaine ne doit ni ne peut échapper à l’investigation philosophique. En matière d’éducation, les philosophes ont d’ailleurs fait la preuve depuis Platon qu’ils avaient leur mot à dire.
L’accord est beaucoup plus douteux, en revanche, quand on examine le rapport inverse. La question " la philosophie a-t-elle besoin des sciences de l’éducation ? " ne laisse pas d’être polémique, et c’est pourquoi je la privilégie. Je retrouverai l’autre question en fin de parcours.
L’ANTI-PÉDAGOGIE
Il est une thèse généralement bien admise chez les professeurs de philosophie, qui veut que la philosophie se suffise à elle-même, que son enseignement ne relève que de la seule compétence disciplinaire, et qu’elle n’ait donc rien à faire de ce qu’on appellera alors volontiers " les prétendues sciences de l’éducation ".
J. Muglioni fut en son temps le brillant porte-parole de cette thèse, et, Inspecteur général de philosophie, il a profondément marqué toute une génération d’enseignants. " À l’école, déclare-t-il sans ambages, la psychologie n’est pas plus à sa place que la sociologie ".(1)
On connaît les arguments de ce côté-là, je voudrais les rappeler en un rapide florilège de citations.
1) Le savoir en péril
Alain déjà lançait un cri d’alerte : " si les pédagogues ne sont pas détournés vers d’autres proies, il arrivera que les instituteurs sauront beaucoup de choses, et que les écoliers ne sauront plus rien du tout".(2) C’est bien cette menace que dénoncent encore les actuels adversaires de la pédagogie, ils ne la voient pas seulement peser sur l’école primaire, mais aussi sur la classe de philosophie. Ainsi Charles Coutel évoque " la survalorisation pédagogiste de la relation maître-élève ".(3)
J. Muglioni exprime la crainte récurrente de ce courant en ces termes : " le souci de subordonner l’enseignement aux motivations, ou pour mieux dire, à la demande, suppose toujours que son contenu est considéré comme secondaire ".(4)
Le premier argument contre l’intrusion des sciences de l’éducation dans la classe de philosophie tient donc à l’idée que le souci de l’élève se ferait toujours au détriment du souci du savoir. On évoque d’ailleurs souvent, dans les rangs de l’anti-pédagogisme, les propos virulents de Hannah Arendt dans son article intitulé " La crise de l’éducation " dont il faudrait relire toute la page 234 de la traduction française ; je ne retiendrai que cette phrase : " la pédagogie est devenue une science de l’enseignement en général, au point de s’affranchir complètement de la matière à enseigner. "
L’implicite de cette contestation consiste, on le voit, à poser comme mutuellement exclusives connaissance disciplinaire - ici philosophique - et connaissance psycho-pédagogique. Si l’exclusion était avérée, préserver un enseignement philosophique de qualité imposerait bien sûr d’ignorer la réflexion sur les conditions de la construction du savoir.
Toute la question est de savoir si le fait de s’intéresser à l’élève dans sa réalité psychosociale est nécessairement incompatible avec une réelle exigence philosophique. Il convient bien sûr de se demander pourquoi il le serait.
On trouve sous la plume des anti-pédagogues un second argument qui prétend venir fonder le premier, qui prétend justifier l’exclusion des sciences de l’éducation hors de la classe de philosophie, et plus généralement hors de l’école.
1 " La république et l’instruction " in L’enseignement philosophique n° 3, 1989, p. 78.
2 Propos sur l’éducation, XXXVI.
3 " Didactique, pédagogie, philosophie " in L’école des philosophes, juin 1991, p. 55.
4 J. Muglioni, " Quelques difficultés philosophiques d’un enseignement ? " in L’école ou le loisir de penser, p. 83.





2) L’ignorance à combler
Les disciplines regroupées sous le titre de " sciences de l’éducation " s’intéressent à l’élève en toutes ses dimensions et tentent de comprendre comment sa vie affective, familiale, sociale… entre en interaction avec ses apprentissages. Par la force des choses, elles ouvrent les portes de l’école aux bruits du dehors en postulant que l’inscription psychosociale d’un jeune n’est pas indifférente à son devenir scolaire. Elles sont nécessairement différencialistes.
Là est le scandale pour ceux qui, comme B. Bourgeois, veulent faire de l’école un " sanctuaire "(5) où sont précisément abolies les différences. Je note au passage que si l’école est un sanctuaire, la classe de philosophie y est incontestablement le saint des saints.
L’argumentation qui fonde cette thèse de l’école-sanctuaire, de l’école à l’abri des différences, est très claire dans quelques lignes de B. Bourgeois, extraites de l’article du Monde qui vient d’être évoqué et qu’il faut citer : " L’école est ce " loisir " libérant originellement de la contrainte absolue des conditions particulières de l’existence. Étape inaugurale de l’universalisation de celle-ci, ordonnée en tous sens à l’universel, à la " chose publique "(6), l’école, en son essence ainsi républicaine se veut l’Autre de la vie réelle et de ses reflets idéologiques. " Ce sont les guillemets qui offrent la clé de compréhension de ce passage. Reprenons le raisonnement.
Par son étymologie, l’école est bien loisir, temps libéré des contraintes de survie, c’est-à-dire des " contraintes des conditions particulières d’existence ". Si on soustrait de l’existence tout ce qui tient à ces conditions particulières, il restera, dit B. Bourgeois, un résidu commun à toutes les vies quelles que soient les circonstances où elles s’accomplissent. Désignons en latin maintenant cette chose commune à tous les hommes, qui reste après défalcation, nous la dirons res publica, république ! Rien d’étonnant alors à ce que l’école soit la république et que l’école-république soit ce lieu soustrait aux particularismes, dont universel, donc " Autre que la vie réelle ".
L’argument est imparable si on décide de parler grec et latin. Il ne faudrait pas croire qu’il est propre à B. Bourgeois, il est tout au contraire un topos (pour continuer de parler grec), un lieu commun de la littérature anti-pédagogique et qui se revendique républicaine. Ainsi, J. Muglioni y recourt-il aussi (page 46) : " L’école est ce lieu de loisir, comme dit si bien le mot grec, où l’homme dans l’enfant apprend à entretenir une relation directe et personnelle avec l’universel, s’assurant ainsi que s’il accorde tout aux tâches obligées, il ne vaut rien ". Les " tâches obligées " remplacent ici les " conditions particulières de l’existence ".


5 Le Monde, oct. 1983.
6 Les guillemets sont de B. Bourgeois.
Qu’on le dise d’une façon ou d’une autre, les ingrédients de l’argumentaire sont toujours les mêmes :
- un opérateur privilégié, la soustraction ;
- la définition de l’école comme espace d’exception, hors société civile (7) ;
- le pari que le solde de la soustraction est un résultat non nul, mais bel et bien une chose, par définition, commune puisque ayant résisté à toutes les opérations de défalcation.
L’élève à qui s’adresse le professeur doit à ce compte n’être ni Pierre ni Mohamed, mais un esprit disponible car libéré de ses attaches culturelles.
On ne manquera pas de noter que ce sont les mêmes qui dénoncent les sciences de l’éducation et qui militent activement pour la ferme interdiction du port du voile islamique dans les locaux scolaires, dans la mesure où ce voile est justement un signe distinctif qui introduit une différence. S’il est vain, de ce point de vue, de s’attarder sur les conditions de vie de l’élève, c’est que cet élève ne doit être perçu finalement que comme un ignorant qu’il convient d’instruire.(PHILOSOPHIE ET SCIENCES DE L'EDUCATION Icon_cool " Institution dévolue à l’universel " selon la formule de C. Kintzler, l’école ne doit considérer que des sujets de droit.
On voit bien alors pourquoi l’exigence philosophique était pensée plus haut comme incompatible avec la prise en considération des déterminations particulières qui font que Pierre n’apprend pas comme Paul. S’engager sur la voie des sciences de l’éducation serait admettre que l’élève est un sujet empirique inscrit dans un contexte et une histoire, ce serait admettre qu’il entre à l’école sans se dépouiller de tout ce qui en fait un individu singulier.
C’est de cet élève-là que ne veulent pas les philosophes hostiles aux sciences de l’éducation : l’élève ne doit tenir sa singularité que de " son accrochage à l’universel " selon une expression de C. Kintzler.(9) L’accès au " je " passe, à leurs yeux, par le renoncement à tout ce qui relève du " nous " ou du " on ", à tout ce qui vient des groupes particuliers dans lesquels ce " je " se trouve de fait immergé.
L’enjeu de la question initiale (" la philosophie a-t-elle besoin des sciences de l’éducation ? ") est maintenant manifeste, et il est totalement philosophique : à qui nous adressons-nous quand nous faisons cours ? Qui visons-nous par le discours rationnel que nous déployons ? Est-il légitime de ne concevoir l’élève que comme un ignorant, une raison à actualiser, un sujet épistémique ? Peut-on sérieusement ignorer les différences inter-individuelles ? Sommes-nous en droit de supposer un sujet universel préexistant à toutes les différences et résistant à l’opération d’abstraction de ces différences ? Sommes-nous assurés que ce sujet résiduel, cet hôte de l’école définie comme " Autre de la vie réelle " soit autre chose qu’un être abstrait ?
Ce sont ces questions qu’il faut maintenant affronter.
DÉFENSE DE LA PÉDAGOGIE
Puisque le courant anti-pédagogique a coutume de rappeler que l’école est d’abord loisir selon l’étymologie du mot et d’en appeler à Platon pour légitimer une classe de philosophie mise à l’abri des contingences vitales, des contraintes particulières de l’existence, c’est sur ce terrain que je souhaite instaurer le débat.
Pour livrer d’emblée la thèse que je voudrais soutenir, je dirais que c’est précisément chez Platon - référence philosophique rarement contestée et non suspecte de flirt avec les sciences de l’éducation - qu’on trouve le plaidoyer le plus vigoureux en faveur de la différenciation pédagogique, en faveur d’une prise en compte des particularités de l’élève.
Platon ignore bien sûr tout de la sociologie et ne soupçonne même pas qu’une telle discipline puisse exister. En revanche, il n’aurait certainement pas dit comme J. Muglioni que " la psychologie n’est pas à sa place à l’école ", tout au contraire !
1) Le professeur-psychologue
Bien des passages de son œuvre attestent l’importance qu’il accordait à la prise en compte des particularités psychologiques de son interlocuteur : Qu’on se souvienne de la remarque de Socrate à Ménon : " Il me semble que ce qui caractérise l’esprit de dialogue, ce n’est pas seulement de répondre la vérité, mais c’est aussi de fonder sa réponse uniquement sur ce que l’interlocuteur reconnaît savoir lui-même. " (Ménon 75d). Le souci de la vérité n’exclut pas pour Socrate le souci de l’autre dans sa différence. Partir de ce que sait l’autre est même ici dit aussi important que de dire la vérité. Et il en fera la démonstration un peu plus loin en interrogeant le jeune esclave et en partant des représentations spontanées de ce dernier à propos de sa duplication du carré. On s’étonne que le grand lecteur de Platon qu’était J. Muglioni ait voulu ne considérer l’esprit de l’élève que comme une table rase.
Mais il est un texte où Platon est beaucoup plus explicite sur la question. Je pense aux pages 271b-272a du Phèdre. Platon-Socrate y définit les règles du bon discours qui sont, dit-il, valables pour " l’orateur, le professeur (didaskôn) et l’écrivain " (272a). Ceci concerne donc bien notre propos. Or le bon discours est d’emblée défini par sa fonction psychagogique : il doit conduire l’esprit de qui l’écoute. Le professeur est donc " psychagogue ".

7 Pour continuer de parler grec, il faut bien désigner cette école comme u-topie, non-lieu.
8 Muglioni p. 78 L’enseignement philosophique, 1989, nº 3.
9 Condorcet, p. 271.
Ceci ne serait pas démenti par les opposants aux sciences de l’éducation, le tout est de s’entendre sur ce que désigne ce terme " esprit " (psychê (10)). De quel esprit parle-t-on ? S’agit-il d’une réalité universelle, de la faculté de connaître et penser une et identique chez chacun d’entre nous ? S’agit-il des formes particulières que prend cette faculté différente chez les uns et les autres ?
Platon est clair, il n’y a pas une psychê unique et identique chez tous les hommes, mais plusieurs. Socrate en dénombre neuf types dans le Phèdre un peu avant le passage que nous examinons, en 248 d-e. Ces neuf types sont les configurations que peuvent prendre les trois instances de la psychê, instances que la République désignera comme l’épithumia, le thumos et le nous, et qui sont ici symbolisés par les chevaux noir et blanc et le cocher de l’attelage auquel ressemble la psychê. Les psychê sont donc identiques en leurs composantes, mais diverses dans la façon dont s’y combinent les éléments.
Ce n’est pas le lieu ici de développer la théorie psychologique de Platon dont le détail a peu d’importance pour notre propos. Loin de moi aussi l’idée que Platon aurait apporté le dernier mot de la psychologie ! L’essentiel me semble être que Platon a posé une psychologie différentielle et en a tiré les conséquences pour l’enseignement.
Je reviens donc au passage 271b-272a et aux conseils qu’il contient pour l’enseignant. Trois tâches l’attendent :
- savoir de combien de formes la psychê est susceptible ;
- savoir de combien de formes le discours est susceptible ;
- établir la correspondance de chaque genre à chaque genre.
Ce dernier point est le plus difficile, il y faut du " flair " (aisthêsis), de l’esprit de finesse, et tout l’art du pédagogue-psychagogue est là, tout est affaire d’adaptation. L’idée même d’un cours magistral identiquement adressé à tous s’écroule. C’est, bien avant la lettre, l’esprit de la pédagogie différenciée qui est ici défendu.
Le conseil de Socrate à Ménon, évoqué à l’instant, trouve ici son cadre théorique et s’élargit : il ne s’agit plus seulement de partir de ce que l’autre sait, mais de ce qu’il est. J’oserai dire que Platon invente la pédagogie centrée sur le sujet apprenant.
2) La manière et la matière
S’il est un reproche à faire aux sciences de l’éducation, ce n’est pas celui de réduire la part de la dimension disciplinaire, mais - me semble-t-il - d’être oublieuses de leurs origines et de croire inventer là où il n’y a que reprise de thèmes anciens. Il est vrai qu’elles peuvent irriter par leur manie du néologisme, leur formalisme parfois outrancier. Mais leur légitimité ne me semble pas pouvoir être mise en doute : un professeur de philosophie a besoin, comme un autre, d’un minimum d’informations sur les styles d’apprentissage. Il n’est pas vrai que nous apprenions tous de la même façon, et pour m’en tenir à un exemple simple, je dirais que la prise en compte du caractère visuel ou auditif des élèves qui nous sont confiés est capitale : reprendre indéfiniment la même explication en style visuel (par schémas et formalisations) pour un élève auditif ne l’aidera aucunement, tout au contraire ; il ne pourra que se convaincre de sa nullité et de la vanité de ses efforts ; on serait mieux avisé de chercher l’origine de son incompréhension et de venir sur son terrain, celui de l’auditivité ici.
Cet exemple n’en est qu’un parmi des milliers qui illustreraient l’irréalisme qu’il y a à nier la diversité de fait au nom d’une universalité de droit. C’est le grand mérite des travaux de P. Hadot que d’avoir montré que pour l’antiquité (et non seulement pour Platon) la manière d’enseigner importe autant que la matière enseignée. Je retiendrai en particulier cette remarque d’Origène que cite P. Hadot : " Chrysippe pour réprimer les passions des âmes humaines, sans se mettre en peine du degré de vérité d’une doctrine, tente, dans son art de guérir les passions, de soigner suivant les différentes écoles ceux dont l’âme était plongée dans les passions ".(11) Les Anciens n’avaient pas de scrupules à viser l’efficacité, à considérer la manière aussi importante que la matière.

10 Il me semble préférable de traduire le grec psychê par esprit pour éviter les connotations chrétiennes que véhicule le mot " âme " aujourd’hui. Il me semble donc particulièrement malséant de vouloir fonder le projet d’un enseignement philosophique ignorant des particularités des élèves sur la tradition philosophique.
L’ÉQUILIBRE NÉCESSAIRE
Cependant l’antiquité a aussi produit des hommes pour qui la manière avait fini par oublier la matière, il s’agit bien sûr des sophistes. Le souci d’efficacité se fait là pragmatisme et néglige le contenu de l’enseignement en arguant du relativisme.
Le risque existe en effet toujours que la pédagogie, et plus généralement les sciences de l’éducation, ne s’émancipent et ne deviennent un discours strictement techniciste quand on a renoncé à tout idéal de vérité. La manière devient le seul souci quand la question des fins a été reléguée comme vaine.
C’est en ce sens que les sciences de l’éducation ont besoin de la philosophie, pour que la manière ne se désolidarise pas de la matière. Au sein des sciences de l’éducation, la philosophie doit veiller à maintenir vivante la question du sens et de la finalité. Le risque sophistique surgit quand le professeur se fait parfois psychologue et utilise ce savoir à des fins manipulatrices. Les spécialistes de la communication publicitaire illustrent exactement ce que produisent les sciences humaines livrées à elles-mêmes.
Les sciences de l’éducation offrent un arsenal de moyens, moyens d’analyse de l’échec scolaire, moyens de remédiation. On sait bien qu’un moyen vaut ce que vaut sa fin, mais est-ce parce qu’un couteau peut tuer qu’il faut se passer de couteau ? Est-ce parce que la psychologie ou la sociologie peuvent servir des intérêts privés qu’il faut les ignorer ?
Nier l’universalité abstraite donnée et prendre en compte le contexte de l’activité enseignante ne signifient pas automatiquement sombrer dans le scepticisme ou la sophistique. Certaines pages de P. Ricœur commentant Habermas sont fort éclairantes quant au " conflit entre universalisme et contextualisme ".(12) P. Ricœur prend acte des craintes que peut engendrer une " apologie de la différence pour la différence " (332) mais c’est pour " trouver un équilibre entre universalité et historicité " (336). L’universel n’est pas donné, il est objet d’une prétention. P. Ricœur en vient à parler " d’universels en puissance ou potentiels " qui ne se découvriraient que dans la discussion entre interlocuteurs animés de convictions différentes mais qui auraient admis que " d’autres universels en puissance sont enfouis dans des cultures tenues < par eux > pour exotiques. "
Ces considérations ne concernent pas par elles-mêmes la question de l’enseignement, mais Philippe Meirieu (figure honnie des anti-pédagogues) a su leur donner une dimension pédagogique quand il demande que les élèves soient compris comme des " êtres-en-situation ".(13) Il ne suffit pas, dit-il, de les " défaire de toute adhérence à leurs situations concrètes et incarnées " pour les rendre disponibles à l’étude. La situation concrète et incarnée de l’élève est constitutive de sa personne et c’est elle que les sciences de l’éducation peuvent aider à connaître, non pour jouer au démiurge, mais pour aller à la rencontre de l’autre là où il est.
11 Exercices spirituels et philosophie antique, Paris, 1987, p. 55.
12 Soi-même comme un autre, 1990, p. 331 sqq.
13 Le choix d’éduquer, ch. 26.
Il semble donc finalement que deux écueils sont à éviter pour sortir du vieux conflit entre pro et anti-pédagogues.
- Le premier écueil est celui dont nous sommes partis et qui consiste, pour préserver la matière, à ignorer la manière ; à force de se centrer sur le savoir, on finit par ignorer son destinataire. C’est la pente dogmatique qui postule un sujet universel car rationnel d’emblée accessible à l’enseignement.
- Le second écueil est celui qui a été évoqué en second lieu et qui consiste à privilégier la connaissance de l’élève au détriment des connaissances qu’on veut l’aider à construire ; à force d’étudier l’élève, on finit par négliger ce en vue de quoi on s’intéressait à lui. C’est la pente sophistique qui suppose un relativisme indépassable.
On sait que les erreurs sont souvent des demi-vérités. Chacun de ces courants a raison dans la mesure où l’autre a tort et vice versa, ou - pour citer encore Meirieu - " les deux thèses sont justifiées en ce qu’elles dénoncent et intenables en ce qu’elles annoncent ".
Les anti-pédagogues ont raison d’être soucieux des contenus d’enseignement, ils ont tort de diaboliser quiconque s’intéresse à l’élève en lançant l’anathème de pédagogisme. Les pédagogues ont raison d’être soucieux de l’élève, ils ont tort quand ils tournent en dérision quiconque rappelle des exigences disciplinaires.
Tenir les deux bouts est possible, je convoquerai encore une fois Platon pour l’attester. Au livre III de la République, l’élève de Socrate définit ce que sera l’éducation des gardiens et après avoir examiné le " lekteon " - ce qui doit être dit -, le contenu ou la matière donc, en vient à s’interroger sur le " ôs lekteon " - le comment le dire - la forme ou la manière.(14) Encore une fois, il est impossible aux yeux de Platon de dissocier l’une et l’autre question.
Transposée en langage moderne, la leçon que je tire de Platon est que les sciences de l’éducation ont tout autant besoin de la philosophie que la philosophie a besoin des sciences de l’éducation.
L’idée d’une philosophie autosuffisante est frileuse et irréaliste. L’idée de sciences de l’éducation détachée de tout ancrage disciplinaire est dangereuse.
Pourquoi faudrait-il choisir de centrer son enseignement sur le savoir ou sur l’élève ? L’acte d’enseigner doit être référé à deux pôles, l’élève et le savoir. Il doit se soucier tout autant de la matière et de la manière.
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