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مُساهمة  احمد حرشاني 29th أغسطس 2010, 13:32


LA PHILOSOPHIE POUR TOUS A L'ECOLE ?

Par Jean-Charles Pettier
livre à paraître chez ESF, en 2003
in pratiques philosophique


Un enseignement philosophique dans d’autres classes qu’en terminale ?
L’idée d’un « droit à la philosophie » paraît à certains séduisante, à d’autres pur phénomène d’une mode pédagogique axée sur le seul souci de l’enfant. En mettant l’élève au centre de l’école, on voudrait en fin de compte oublier qu’il est en formation et faire de lui un adulte avant l’heure.
Ne s’agit-il que de cela ? Avant de l’établir, on peut remarquer qu’avant d’être un droit, la philosophie est déjà une pratique de quelques classes de l’école primaire ou de l’enseignement spécialisé
Une classe au travail : il faut être raciste ?
Une classe décontenancée.
Ce matin, certains élèves du collège B , à Meaux, rentrent en cours un peu soucieux : « De quoi va t-il être question aujourd’hui, quel est le problème qui va se poser ? »
Depuis quelque temps, une fois par semaine, leur enseignant leur propose de faire de la philosophie. Il leur faut réfléchir, discuter, sur des problèmes difficiles, différents de ce dont ils avaient l’habitude. C’est d’autant plus complexe qu’ils sont élèves en Section d’Enseignement Général et Professionnel Adapté ! Jusque-là, on parlait de problème en maths : un énoncé, des données, une question. Il fallait comprendre l’énoncé, évaluer ce que la question demandait, puis utiliser correctement les données dans une opération, pour trouver la solution. Pas facile déjà quand on est, comme ces élèves, en grande difficulté scolaire Maintenant, c’est pire ! Avec cette nouvelle sorte de problèmes, plus d’opération ni de résultat qu’on pourrait corriger. Souvent, personne n’est d’accord, il y a plusieurs solutions et pourtant, on ne peut pas dire n’importe quoi, ce qui passe par la tête. Il faut tout expliquer, montrer que ce que l’on dit est valable.
Ainsi, par exemple aujourd’hui, le professeur demande aux élèves de commenter et comparer deux images. Sur l’une, on voit la photographie du visage d’une personne à travers les barreaux d’une fenêtre de prison. Sur l’autre, on voit le dessin d’un homme avec un oiseau qui lui sort de la tête et qui s’envole Chacun a quelques minutes pour bien s’imprégner des images, essayer de formuler ce qu’elles lui suggèrent. On passe ensuite à une phase collective du travail. Assez rapidement, après avoir décrit les images, les élèves sont d’accord : dans un cas, on montre quelqu’un qui est privé de liberté, il ne peut plus aller où il veut. Dans l’autre, le dessin n’est pas réaliste, difficile à comprendre : un oiseau ne peut pas sortir de la tête !
Peut-être veut-on montrer que l’oiseau est libre ? Une discussion s’engage : que veut dire libre ? Unanimité des élèves : être libre, c’est pouvoir faire ce que l’on veut ! « Mais », demande le professeur, « peut-on dire qu’un animal fait « ce qu’il veut » ? » La discussion s’engage, chacun a des exemples à fournir, le plus difficile étant de se dégager des exemples pour élaborer des réflexions générales.
Progressivement se présentent plusieurs types de liberté : d’abord la liberté de se déplacer, puis une autre liberté que le professeur a qualifiée d’ « intellectuelle ». On l’a lorsqu’on pense par soi-même. Pour les élèves, le rêve correspond à ce moment de liberté. Peut-être que l’oiseau qui sort de la tête, c’est une façon de montrer quelqu’un en train de rêver ? De toute façon, ils sont d’accord pour dire qu’ils possèdent cette liberté, qu’ils pensent librement
Alors le professeur affirme qu’il a déjà entendu quelqu’un dire : « Les bamboulas, il faut tous les mettre à la mer », et demande : « qu’en pensez-vous, que me répondriez-vous si je vous disais cela ? ». C’est la stupeur dans la classe : « Il ne faut pas penser cela, ce n’est pas bon », car « tout le monde est pareil ». Celui qui dit cela se trompe, lui n’est pas libre « intellectuellement ». Lorsqu’on dit cela, c’est forcément que l’on n’a pas réfléchi. Sinon, on voit bien qu’on ne peut pas le dire .
Le professeur s’inquiète : « Comment expliquez-vous que des adolescents, des élèves comme vous disent parfois cela ? » Rapidement, les élèves décrivent ce qui leur paraît expliquer ces propos. C’est à cause de certains parents, qui tiennent des propos racistes. Pour d’autres, cela vient des copains, qui influencent : on dit la même chose qu’eux, pour être accepté. Certains racistes le sont parce qu’ils proviennent de pays, de religion, de croyance où l’on est raciste De nombreuses autres raisons leur paraissent expliquer ces propos. Le professeur les inscrit, au fur et à mesure, au tableau. Mais alors, comment se fait-il qu’eux ne soient pas racistes ? « On a réfléchi », disent-ils L’un se souvient qu’en fait, un jour, il a dit un propos raciste et qu’il s’est fait disputer par ses parents. D’autres disent qu’en France, avoir des propos racistes est interdit. Ce serait mal venu, dans la cité où ils habitent. Le professeur a inscrit au tableau, en quelques mots, ces raisons et les autres, invoquées par les élèves. Stupeur ! La nouvelle liste correspond point par point à l’ancienne : n'être pas raciste dans leur cas s'explique par l'influence des copains, des parents, de la société Désabusé, décontenancé, un élève observe le tableau : « Il faut être raciste, alors ? ». Les autres semblent inquiets. Tous viennent de sentir que là où ils se pensaient libres, ils étaient en fait aussi le produit d’une éducation, d’une culture.
En même temps, cette expérience difficile est mal interprétée : s’apercevoir que l’on avait peu pensé un problème revient à penser que son opinion est nécessairement mauvaise. Remettre en cause l’une reviendrait à remettre en cause l’autre. Mais pour un élève, en particulier dans une situation difficile, constater que les quelques opinions que l’on a sont mal et trop rapidement construites peut être très perturbant. L’enseignant calme alors en partie les inquiétudes, et propose une autre solution : peut-être que cette opinion se défend, mais qu’elle a été adoptée sans réflexion
La fin du cours approche, la réflexion en restera là. On tombera d’accord pour noter au tableau les éléments essentiels du travail qui vient d’avoir lieu : les types de liberté, la difficulté d’être libre intellectuellement, c’est-à-dire de penser sans avoir été influencé à son insu, d’avoir élaboré un raisonnement. L’enseignant propose que l’on continue cette réflexion lors d’une autre séance, en essayant de trouver les moyens de « mieux » penser ce problème du racisme, d’interroger ce que les élèves ont affirmé : « on est tous pareils ».
Que fait cette classe ?
Il s’agit là des premiers efforts d’un enseignant pour permettre progressivement à ses élèves de travailler ensemble, d’échanger rationnellement, de questionner leurs opinions immédiates sur des problèmes concernant leur relation au monde, aux autres, leurs valeurs de référence, pour progressivement entrer dans un questionnement de type philosophique. Cela n’est pas sans poser problème : tout enseignant doit se soumettre aux Instructions Officielles. Il n’y est nulle part question d’un enseignement philosophique ailleurs qu’en terminale. D’autre part, s’il s’agit bien d’un enseignement philosophique, la radicalité du questionnement philosophique qui par nature même interroge tout semble problématique. Peut-on aborder tous les sujets avec tous les élèves ? N’est-il pas dangereux, avec des adolescents aux difficultés nombreuses, de s’interroger par exemple sur les limites de la légalité, ce qui pourrait justifier qu’on la transgresse au nom d’une quelconque légitimité. Dans la séance qui précède, la position raciste est présentée comme une opinion qu’il s’agirait d’étudier. Or, elle constitue en France un délit. N’est-on pas en train de jouer avec le feu, d’amener des questions que ces élèves jeunes adolescents sont bien en peine d’assumer ? Peut-on les considérer par là comme des adultes matures, quand leur immaturité justifie précisément leur présence à l’école ?
Cet enseignant n’est pourtant pas seul. Pour des raisons diverses, des expériences de philosophie se développent dans d’autres lieux scolaires qu’en terminale : à l’école primaire, dans quelques autres SEGPA, une expérience existe même dans un Institut Médico-Professionnel, accueillant des élèves considérés comme déficients intellectuels ! La diversité de ces expériences interroge de fait l’enseignement philosophique classique qui, à de très rares exceptions près, s’était cantonné à la classe terminale en France[1].
La philosophie dans d'autres classes qu’en terminale : des expériences diverses
La place de l’enseignement philosophique, exclusivement dans certaines terminales, a été sujette à polémiques. Dans les années soixante-dix, le Groupe de Recherche sur l’Enseignement Philosophique (GREPH) interroge l’institution scolaire : cette place, la nature de cet enseignement et ses modes de mise en oeuvre ne révèlent-ils pas que l’enseignement philosophique est non seulement élitaire, mais élitiste ? Il serait une des traductions scolaires de la mainmise sur la société de la bourgeoisie, qui en cantonnant l’enseignement à certaines terminales, selon les modalités spécifiques d’un enseignement magistral référé à la culture classique, ne permettrait en réalité qu’à ses enfants d’y réussir. Il s’agit alors pour le GREPH de montrer que d’autres formes d’enseignement, dans des conditions différentes, sont possibles.
Quelques essais sont tentés, par exemple dans des classes de sixième et de cinquième, puis rapportés au milieu de textes plus théoriques dans ce qui deviendra le manifeste même du GREPH : Qui a peur de la philosophie ? (1977). Ces expériences sont abandonnées par la suite, sans être théorisées didactiquement d’une part, et élargies vers d’autres publics. Les réflexions concernant cet enseignement en France se sont depuis situées dans le cadre institutionnel où il opère. Elles émergent lorsque, l’accès au lycée s’élargissant, les modalités classiques de la transmission par le cours magistral semblent de plus en plus inopérantes, et conduisent des mouvements pédagogiques (le Groupe Français d’Education Nouvelle, secteur philosophie) ou des chercheurs (sous l’impulsion forte de M. Tozzi (1992)) à tenter une didactisation de cet enseignement. L’urgence de la situation, confrontant des enseignants formés selon une culture classique à des publics aux références diverses, commandait la nature des recherches.
C’est en fait le hasard de la conjonction entre un souhait politique, le cursus de certains enseignants, la modification du statut de l’élève dans l’école, la connaissance de supports pédagogiques employés dans d’autres pays qui expliquent l’apparition plus récente de la philosophie à l’école primaire ou, plus surprenant encore, dans certaines classes d’élèves en difficulté.
À l’école primaire, cela s’explique en partie par une situation institutionnelle favorable. Après avoir placé l’élève « au centre du système éducatif » par la Loi d’orientation du 10 juillet 1989, l’école s’intéresse au développement d’un travail visant la réflexion du jeune élève. La consultation nationale (Bulletin Officiel de l’Education Nationale du 26 août 1999) concernant l’accompagnement des programmes de 1995 décrit pour la première fois les conditions d’une instruction civique qui devrait permettre à l’élève à terme de remettre en cause la société : « c’est au nom d’un idéal que l’on critique le réel et que l’on projette de le transformer ». Ce travail passe par des interrogations complexes : « à quelles conditions l’inégalité des richesses est-elle compatible avec l’équité ? » ; « pourquoi certaines transgressions sont-elles moins graves que d’autres ? ». A ces questions difficiles l’enseignant ne doit pas fournir « une » réponse, l’essentiel du travail demandé étant plutôt d’établir la nature problématique de la réflexion. Ce nouveau statut accordé à l’élève peut se traduire dans certaines classes par le développement de pédagogies qui placent l’élève dans une démarche de questionnement, d’analyse et de construction des notions d’institution, de loi[2]. La nature des questions posées incite d’autres enseignants (les mêmes parfois ) à tenter l’expérience philosophique.
L’expression « philosophie pour enfants », problématique en soi[3], cache en fait une grande diversité de pratiques[4], d'analyses théoriques et pédagogiques. Certains enseignants reprennent, en les adaptant, des programmes et modalités développés dans d’autres pays pour les élèves de l’école primaire. D’abord le Programme de philosophie pour enfants de M. Lipman (1995), qui s’appuie sur la lecture problématisée de romans philosophiques. Les enfants sont organisés en communauté de recherche, et échangent rationnellement, pour tenter d’élaborer des réponses aux problèmes posés dans les romans. Les supports développés dans le cadre de l’enseignement moral laïque en Belgique (Legros, 1999, 1-2) sont aussi réemployés. Les situations proposées, surtout des dilemmes moraux, sont brèves, pensées pour des enfants qui vont devoir clarifier et problématiser les valeurs sur lesquelles ils s’appuient pour élaborer leur réflexion sur les questions posées.
Autre mise en oeuvre, l'atelier de philosophie AGSAS[5] correspond, quant à lui, à la rencontre entre la réflexion pédagogique et des méthodes à l’origine développées par la psychanalyse. Des enseignants, s’inquiétant de la difficulté des élèves à assumer une parole propre, à se construire comme sujet autonomes, tentent de développer l’idée d’un moment organisé pour permettre à cette parole d’émerger. On adapte certains éléments de la réflexion conduite depuis longtemps par le psychanalyste J. Lévine, pour permettre à certains enseignants d’être soutenus dans leur effort de prise en charge de l’élève en difficulté psychologique. Une enseignante, A. Pautard, travaille avec le psychanalyste. Ils créent le principe d’un moment de parole privilégié dans la classe. Il s’agit de laisser les élèves s’exprimer sur un sujet philosophique pendant dix minutes, en les enregistrant, puis de leur faire écouter et commenter l’enregistrement. Ce retour sur la discussion doit leur permettre de se réinscrire dans l’acte d’une pensée qui progressivement se retravaille par l’écoute, et gagnera en qualité. Les modalités de travail qu’ils inventent touchent progressivement d’autres niveaux scolaires, convainquent d’autres professionnels. Ces enseignants vont échanger lors de réunions spécifiques leurs expériences, dans le cadre de recherches et d’analyses (Pautard, Lévine, Senore, 1999). Il ne s’agit pour autant pas stricto sensu d’une expérience d’enseignement, visant la transmission par l’adulte d’un savoir ni même l’organisation d’un dispositif pour favoriser sa construction par l’enfant. On peut comprendre qu’elle intéresse pourtant un enseignement centré sur l’élève, pour lui permettre de se développer.
Plus surprenant encore, concernant un enseignement réputé culturellement marqué, la philosophie se développe dans les classes d’élèves les plus en difficulté. Là encore les modalités sont diverses, plus encore qu’à l’école primaire. Cette diversité s’explique par la variété des difficultés des élèves, qui conduit les enseignants à privilégier ce qui leur paraît essentiel de travailler à l’école. Elle rend compte aussi d’un certain nombre de hasards. Fait surprenant, ces différentes expériences, surgissent et surtout se sont développées dans l’enseignement spécialisé au même moment[6] en France, il y a quelques années, sans qu’un fait objectif unique puisse expliquer cette simultanéité.
Elles correspondent sans doute d’une part au progrès de la réflexion sur la difficulté scolaire, renversant l’idée de l’élève inadapté à l’école pour décrire une école inadaptée à certains élèves, abandonnant la caractérisation de l’élève des Sections d’Enseignement Spécialisé comme « débile léger » au profit de celle de l’ élève « en grande difficulté scolaire » des Sections d’Enseignement Général et Professionnel Adapté. Si la difficulté n’est pas irrémédiable, on doit viser pour l’élève de SEGPA les mêmes objectifs que pour tout autre élève du collège. Plus : lutter contre la difficulté, c’est sans doute aussi s’inscrire dans une politique scolaire plus ambitieuse pour ces élèves que pour les autres. L’état d’esprit évolue, et avec lui progressivement les pratiques. En même temps, la présence de la philosophie dans certaines classes est liée au hasard plus qu’à un souhait explicite de l’institution scolaire. Aucun enseignement philosophique n’est prévu au programme de ces classes, dont les élèves doivent viser les mêmes objectifs que tout autre élève du même âge. Le hasard des cursus personnels ou des centres d’intérêts de quelques enseignants spécialisés[7] fait pourtant tenter l’expérience de la philosophie. Certains professeurs des écoles spécialisés, munis par ailleurs d’un diplôme universitaire en philosophie ou simplement intéressés par la discipline, voient dans leurs connaissances l’occasion de répondre aux questions posées par les élèves, directement ou par la nature problématique de leur présence à l’école. Ces adolescents se questionnent et questionnent l’école : "À quoi cela sert-il de faire cette activité ? Pourquoi cela est-il interdit ? Pourquoi nous oblige t-on à venir à l’école ? Pourquoi ne pouvons-nous pas travailler et gagner de l’argent ? C’est quoi, mourir ?" Quand les élèves n’interrogent pas verbalement, leurs comportements interpellent pourtant leurs professeurs. Méconnaissance des limites, confusion entre l’affectif et le rationnel, rapports de force, centration sur soi. Autant d’éléments qui, s’ajoutant aux difficultés scolaires, rendent difficile l’enseignement. L’enseignant voit dans sa formation l’occasion de permettre aux élèves de construire une réponse rationnelle à ces questions. L’originalité de chaque essai, par son côté expérimental, explique qu’aucun véritable développement didactique ne s’en soit dégagé, même si certaines tentatives peuvent constituer le support de mémoires de formation professionnelle (Juret, 1998), ou de cassette particulièrement éclairante sur le travail possible dans les situations difficiles des Instituts Médico-Educatifs (Bour, 2000).
Hasard aussi de pratiques liées à des politiques culturelles spécifiques. En interrogeant toutes les pratiques culturelles, la Fondation 93 en vient ainsi à promouvoir ce qui peut paraître le plus paradoxal : l’activité culturellement la plus « marquée » pour des élèves scolairement étiquetés comme difficiles. Situation unique en France et dans le monde, des professeurs de philosophie « classiques » interviennent dans le cadre de l’action culturelle « Carré de nature-carré de culture » quatre fois par an dans plus de vingt SEGPA en Seine Saint-Denis, sur un thème nouveau chaque année. L’expérience, plus large que précédemment, n’est pas non plus pensée dans un cadre didactique qui permettrait à terme de fixer des bases théoriques d’interventions possibles. Elle traduit la diversité de modes d’approches de chaque professeur libre de moduler ses interventions à sa guise. Formés au travail du texte, certains persistent dans cette voie (Zarader, 2000), d’autres vont inventer de nouvelles façons de travailler les textes ou des les rendre « parlants » (Nevoux, 2000), la discussion étant souvent privilégiée. Les moyens de cette expérience sont importants, mais sa nature culturelle explique qu’elle commence seulement à faire l’objet d’analyses plus précises vers une théorisation didactique.
Faut-il défendre ces expériences ?
Sans vouloir diminuer les intérêts pédagogiques, psychologiques, culturels de ces pratiques à l’école primaire ou dans l’enseignement spécialisé, reste pour autant qu’elles sont à interroger plus précisément . Après tout, si le hasard seul les explique, peut-on au regard de l’égalité républicaine les laisser subsister ? L’école républicaine doit-elle permettre un enseignement dont la nature ne dépendrait que du goût de chaque enseignant, au risque des pires errements ? Ce serait la porte ouverte à l’émiettement des enseignements en autant de types d’écoles qu’il y a de personnalités d’enseignants. D’autre part, l’objectif premier de l’école républicaine française a toujours été la transmission des connaissances. La présence d’un enseignement philosophique y paraît alors immédiatement disqualifiée : qui pourrait prétendre que la philosophie élabore des connaissances que l’école pourrait transmettre ? Le débat semble déjà tranché : il y a bien un enseignement philosophique à l’école dont les Instructions Officielles du 2 septembre 1925 (A. de Monzie) font la condition d’une citoyenneté éclairée. Si tel est le cas, à rebours, il faudrait alors généraliser l’enseignement philosophique : notre démocratie pourrait-elle tolérer de différencier entre citoyens « éclairés » ou non ? L’argument semble fort, il est aussi réducteur. Il ne repose que sur l’interprétation d’un texte particulier à un Etat, historiquement daté. La légitimité d’un enseignement philosophique généralisé ne reposerait que sur une situation de fait, questionnable dans sa validité. Telle que, cette interprétation nous fait pourtant saisir la nature réelle du débat sous jacent à toutes ces réflexions. Il n’est pas simplement d’envisager si l’enseignement philosophique peut être présent dans d’autres classes qu’en terminale, mais plutôt d’évaluer dans quelle mesure il devrait être généralisé. On saisit mieux que, dépassant le stade simplement expérimental ou une situation politique, la place de la philosophie dans d’autres classes que certaines terminales ne pourra se défendre qu’à condition d’être légitimement fondée pour tous.
A priori, il s’agit uniquement d’analyser le seul problème théorique de la légitimité. Il suffit pourtant d’avoir en mémoire les conditions actuelles de notre enseignement philosophique pour comprendre qu’il en découle une multiplicité de perspectives théoriques et pratiques. Que vaudrait un droit s’il devait rester lettre morte, que peut-il signifier pour notre école et pour ses enseignants ?


Pratiquer la philosophie avec tous les élèves : une multiplicité de perspectives
Historiquement, dès son émergence comme discipline à part entière, la philosophie semble devoir être réservée à une "élite", sélectionnée par la qualité naturelle de son âme (chez Platon), son niveau d'études, et par son âge. L'éducation philosophique est ce qui couronne la formation des meilleurs.
Mais la question de l’enseignement philosophique avec tous les élèves trouve son sens lorsqu'on l'envisage comme l'intersection moderne :
- d'un questionnement sur le droit. Peut-on, dans la perspective des droits de l'homme, envisager un « droit à la philosophie pour tous » ? ;
- d'un questionnement sur le fait démocratique. Qu'est-ce qu'être citoyen dans une démocratie moderne ? Quel enseignement pour cette citoyenneté ?;
- d'un questionnement sur la nature d'un enseignement philosophique. Selon quelles références penser cet enseignement ? Enseigner la philosophie, est-ce philosopher devant des élèves ? Quelles seraient les modalités didactiques d’un enseignement philosophique pour tous ?
Trois questionnements essentiels, qui ne sont pourtant pas suffisants. Comment en effet espérer démontrer la légitimité d’un droit à la philosophie, et en négliger par ailleurs les traductions pratiques ? Il s’agit d’abord de traduire les analyses théoriques en termes de pratiques pédagogiques. Comment organiser la classe, quelles sont les attitudes que l’enseignant doit employer, quels supports élaborer ou réemployer ?
Faut-il d’ailleurs tout inventer ? On vient de le voir, des pratiques existent, sont-elles pertinentes et suffisantes ? Le discours du droit n’existait pas lorsqu’elles se sont développées. Elles se sont construites selon des perspectives diverses : politiques, pédagogiques, psychologiques, culturelles. Faut-il alors les rejeter d’emblée, sont-elles nécessairement inadéquates ? Ne méritent-elles pas plutôt d’être évaluées a posteriori ?
On va ici les présenter :
- la philosophie pour enfants de M. Lipman ;
- le travail sur les dilemmes moraux ;
- les travaux dans un souci plutôt d’enseignement, ou culturel, ou encore psychologique ;
- les mises en oeuvre par des intervenants spécialistes, ou les tentatives par les enseignants habituels des classes.
Que nous apprennent-elles ? On les décrira théoriquement et pratiquement, pour tenter d’évaluer leur adéquation aux perspectives du droit et de la didactique qui lui correspondrait.
Connaître et avoir compris l’ensemble des perspectives du droit à la philosophie est en effet essentiel : comment, à quelque niveau que ce soit dans l’enseignement, espérer que les enseignants le mettent en œuvre s’ils n’ont pas à l’esprit ce qui motive cet enseignement ? Le travail est d’autant plus complexe qu’il s’agit de perspectives novatrices, que l’enseignement philosophique classique n’a pas pris en compte. Les élèves sont plus jeunes, moins sélectionnés scolairement, avec de grandes diversités culturelles, des capacités de lecture nécessairement plus réduites, des capacités d’écriture restreintes.
Les points d’appui de l’enseignement classique n’y sont pas tous présents. Faut-il pour autant rejeter toutes les références habituelles de cet enseignement :
- que faire de la culture philosophique ? ;
- doit-on abandonner la référence à l’écrit ?
S’il s’agit de transposer didactiquement, il faudra saisir ce qui constitue l’essence même de la discipline et en privilégier le travail, à quelque niveau que ce soit, pour des enseignants plus pédagogues que philosophes de formation. À terme, on tentera de dégager un système du droit à la philosophie, fixant le « noyau dur » de la discipline, ce qui ne peut sans abandon être éliminé, et clarifiant dans le même mouvement les marges de manoeuvre qui y existent pourtant. Nouvel élément de la liberté pédagogique, il permettra à chacun d’identifier et choisir les modalités adéquates d’intervention philosophique dans sa classe.
Ce livre s'adresse en priorité aux Professeurs des écoles ou de collège, en poste dans l'enseignement traditionnel ou dans les classes relevant de l'Adaptation et l'Intégration Scolaires. Traditionnellement, ce type d'ouvrage expose d'abord des pratiques. Le souci de confronter aussi ces enseignants aux aspects théoriques de la réflexion a conduit à privilégier au début de l'ouvrage une alternance entre des chapitres théoriques et des chapitres pratiques. Chaque chapitre se conclura par un résumé (EN BREF), présenté dans un encadré, permettant à chacun de ressaisir les éléments qui viennent d'être décrits.
EN BREF
Pour des raisons pédagogiques, psychologiques, culturelles, la philosophie est déjà présente dans certaines classes de l’école primaire et de l’enseignement spécialisé.
Elle est mise en oeuvre, lors d’interventions ponctuelles, par des professeurs de philosophie, ou plus quotidiennement par les enseignants habituels de ces classes.
Les modalités sont diverses, s’inspirant d’un enseignement classique ou s’appuyant sur des programmes importés, cherchant à développer des pratiques collectives ou davantage centrées sur l’individu.
La défense de ces pratiques, avant leur évaluation, doit se légitimer par l’établissement d’un droit à la philosophie.

[1] B. Poucet, dans Enseigner la philosophie. Histoire d’une discipline scolaire (2000) nous montre avec précision les développements successifs du modèle français d’enseignement philosophique, qui en explique la nature actuelle.
[2] Cela constitue l’un des objets du travail de F. Imbert et du Groupe de Recherche en Pédagogie Institutionnelle.
[3] De quoi parle-t-on : s'agit-il de la même philosophie qu'en terminale, d'une philosophie spécifique et différente, d'une philosophie adaptée, transposée, etc ? Répondre à cette question sera l'un des objets de ce livre.
[4] On en trouvera la manifestation dans M. Tozzi (ccord), L'éveil de la pensée réflexive à l'école primaire (2001)
[5] AGSAS pour : Association des Groupes de Soutien Au Soutien, association dans le cadre de laquelle s'est développée cette forme de travail. Pour plus de précision, consulter le B/ du chapitre 7.
[6] Un premiere tentative d’introduction de la philosophie pour enfants de M. Lipman avait déjà eu lieu en France à la fin des années quatre-vingts, sans succès réel. D’autre part, on trouve l’idée de philosophie en maternelle déjà présente chez Germaine Tortel, dans une pédagogie de l’expression globale de l’individu, dite « pédagogie d’initiation ». Il s’agit là d’expériences qui, malgré leur intérêt, sont restées limitées à quelques enseignants « en marge », au contraire du mouvement actuel qui semble recevoir un accueil large, très favorable dans toutes les strates de l’institution scolaire.
[7] On appellera enseignant spécialisé celui qui enseigne dans les classes de l’Adaptation et de l’Intégration Scolaires, poste ouvert par l’obtention, en sus de la formation initiale, du Certificat d’aptitude aux Actions Pédagogiques de Suivi, d’Adaptation et d’Intégration Scolaires (CAPSAIS). Le professeur de philosophie étant lui qualifié de « spécialiste » de sa discipline
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